La guerre de l’addition a eu lieu et les plats n’étaient même pas bons !

Chronique de Lilia Sbai

Je me suis amusée à comparer la récurrence des débats les plus houleux sur les réseaux sociaux et à ma grande surprise, ce ne sont ni les guerres, ni les religions, ni même les finances publiques qui remportent la palme des propos virulents sur fond de menaces de mort. Vous seriez étonnées mesdames de savoir que le thème qui génère le plus de rage chez les internautes actuellement c’est : l’addition au resto. Pas n’importe laquelle, attention ! Je parle ici de celle qui clôture le ou les rendez-vous d’un couple en formation.

Il fut une époque où après un diner, agrémenté d’une belle conversation et d’un bouquet de fleurs, l’homme dans son élan chevaleresque prenait d’office le repas en charge. Face à lui, une gente dame aux joues rosies par l’émotion, le remerciait d’un sourire radieux et de quelques minauderies. L’ordre sentimental des choses quoi !

En l’an de grâce 2025, le topo est tout autre ! A bien y réfléchir, cela fait 3 ou 4 années que la question de savoir qui doit payer cette fichue addition s’est quasiment érigée en sujet géopolitique. Non, je ne suis pas en train de donner un cours de romantisme dans ce magazine qui prône l’égalité des genres. Je suis simplement en train de pointer du doigt un phénomène sociétal dont les soubassements sont à la fois économiques, anthropologiques et sexuels.

Pour vous dire à quel point cela prend la tête à tout le monde, l’animateur de télévision américain Stephen Colbert a fini par demander au rappeur 50 cent, à qui revenait l’addition lors d’un premier rendez-vous. Réponse de l’artiste « A la personne qui a suggéré le plan ». La fatwa de Fifty n’ayant pas pu réconcilier les concernés, Miley Cyrus a enchainé avec son titre phare « I can buy myself flowers… » que vous ne connaissez que trop bien.

Bien sûr que les femmes peuvent payer leurs additions et tout un tas d’autres trucs d’ailleurs. Elles peuvent même devenir légalement solidaires de vos dettes, vous remettre leurs héritages et vous prêter leurs voitures neuves (…). Ces dames ont toujours donné sans compter pour le bien du couple. Et quand elles omettaient de le faire, des lois et coutumes opportunistes surgissaient soudainement pour les y obliger. Donc là n’est pas le problème…

Ce qui est étrange en revanche c’est de voir que l’addition est devenue le reflet du gros malaise entre hommes et femmes. Malaise, parce que les premiers ont l’impression aujourd’hui de perdre du terrain, d’être quelque peu « spoliés » de ce que leur conféraient d’office des siècles de patriarcat.

Oui, ils étaient prêts à payer l’addition à une époque où dégainer un portefeuille les établissait en héros sans peur et sans reproche. Revivant jusqu’à plus soif la grandeur de l’homo erectus qui, carcasse de mammouth en main, entrait dans la caverne pour nourrir les siens. Il y avait une grâce à perpétuer ce geste. Grâce à laquelle les mâles de notre époque ne goûtent plus, confortés dans l’idée que nous sommes devenues leurs ennemies. Nous qui avons eu l’audace d’en vouloir plus. Nous qui souhaitons réformer deux ou trois textes juridiques pour plus d’équité. Nous qui désirons investir un peu l’espace, intégrer le monde de l’entreprise, gravir les échelons, devenir propriétaires ou juste nous-mêmes.

Certains ne nous pardonnent pas d’avoir des idéaux, des ambitions, de poursuivre nos propres quêtes de sens et de ne plus être d’humeur à jouer les faire-valoir.  Alors ils se vengent… sur l’addition ! Au point d’en faire un sujet de railleries, voire une question de principes. Toute femme aspirant à un peu de galanterie se verra irréversiblement taxer de profiteuse pour ne pas dire pire. Avouez, vous êtes déjà tombées sur des vignettes Instagram qui y faisaient allusion ; et horrifiées vous avez découvert de quoi était traitées celles qui avaient des attentes parfaitement n-o-r-m-a-l-e-s.

S’il faut la jouer ainsi, quid des zozos qui veulent garder les privilèges de la « roujoula » mais qui attendent de nous que nous leur facilitions la vie à tous les niveaux (finances communes, participation aux dépenses, prêts, cadeaux…) ? Non messieurs, l’égalité n’a rien à voir avec le fait de payer la note, la courtoisie et l’élégance, si !  Et puis tout ce foin pour des plats qui ont perdu en saveur depuis la crise sanitaire, franchement ! Vous savez quoi ? Nous paierons lorsque nos salaires et parts d’héritage seront réévalués à la hausse. Ce jour-là, promis, juré, l’entrecôte poivrée 3la hsab na.  En attendant restez classes…

 

 

 

 

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Direction artistique : Domizia Trenta
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Directrice de la publication : Aïcha Zaïmi Sakhri

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Dossier de presse numero 26/2023

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