Cher(e)s Lectrices et Lecteurs,

La première édition des Assises du Féminisme du 16 décembre 2023, orchestrée par l’Association pour la Promotion de la Culture de l’Égalité, a rencontré un franc succès. Rassemblant plus de 200 participants engagés, 26 intervenants experts et près de 10 heures de débats fructueux, cet événement a mis en lumière un enjeu majeur : Le futur du Code de la famille au Maroc. Parmi les temps forts, notons le panel sur l’héritage, dont je parlerai plus loin, ainsi qu’une rétrospective captivante sur l’histoire du mouvement féministe marocain.

Latéfa Bouhssini a retracé ainsi cette évolution depuis les années 80, soulignant l’engagement et l’impact du mouvement dans la réforme du Code de la famille de 2004. Ce rappel historique est crucial pour transmettre aux jeunes générations, qui étaient fortement représentées lors des Assises, les combats menés et les avancées significatives de l’époque. Cette nouvelle génération, qui milite également pour une plus grande liberté et des droits accrus, innove avec des méthodes de plaidoyer modernes, s’appuyant principalement sur le digital.

Revenons à la thématique de ces assises :

Faut-il se limiter à des amendements ou aspirer à un changement de paradigme pour une égalité et une justice accrue entre femmes et hommes, en prenant en compte l’intérêt supérieur de l’enfant ?

Les associations présentes et les intervenants ont clairement plaidé pour une réforme profonde du Code, visant un changement de paradigme. Et pour cause : La législation actuelle, en plus de maintenir une précarité juridique, entérine surtout une précarité économique pour les femmes.

Rabéa Naciri, dans son plaidoyer magistral, a apporté une perspective économique décisive sur la nécessité de réformer les règles d’héritage. Elle a pointé du doigt deux visions obsolètes : La Qiwamah de l’homme, versus la Taâ de la femme, ce concept, qui place l’homme comme principal pourvoyeur de la famille, lui confère des droits supérieurs, contribuant ainsi à une inégalité dans l’héritage. Et celle de la famille patriarcale étendue, cette structure traditionnelle qui favorise les héritiers mâles, perpétuant l’inégalité entre les sexes dans la succession en favorisant les descendants masculins. Cette approche ignore les contributions économiques significatives des femmes, rendant une réforme de l’héritage essentielle pour l’égalité des sexes et une justice économique et sociale globale.

La question est maintenant celle-ci : Comment sortir de l’impasse et aligner le nouveau code sur la Constitution de 2011 ainsi que sur les conventions internationales ratifiées par le Maroc ?

L’engagement de Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour la justice sociale dans toutes les familles marocaines est indéniable. Ce projet royal embrasse une vision où la famille, cellule de base de la société, doit être saine, équilibrée et fondée sur des liens justes et respectueux, y compris en cas de séparation, avec la protection et l’intérêt des enfants en priorité.

Pour y parvenir, il est crucial que femmes et hommes bénéficient des mêmes droits et responsabilités. Le modèle patriarcal du code de la famille doit être révisé. Les hommes ne doivent plus être les seuls pourvoyeurs financiers. Les femmes contribuent également et de manière significative, à l’entretien de leurs familles. Ainsi, la tutelle et la garde doivent être partagées, et les règles d’héritage révisées sous l’angle de la justice et de l’ijtihad.

J’espère sincèrement que la révision du code reflétera les mutations profondes de la famille marocaine et incarnera un Maroc moderne, égalitaire et juste.

Ces Assises du Féminisme, les premières du genre, auront eu le mérite de rassembler et de construire un consensus autour de ces thématiques sociétales fondamentales.

Je ne peux terminer cet édito sans exprimer ma profonde gratitude à nos partenaires, notamment la FEMDH, l’ONU Femmes Maros et la MDJS, ainsi qu’aux Ambassades du Canada et du Royaume de Belgique au Maroc pour leur soutien dans l’organisation de cette journée de débats et d’échanges. Un grand merci également à toutes les femmes extraordinaires des associations qui ont grandement contribué à ce projet.

Rendez-vous est déjà pris pour la seconde édition des Assises du féminisme, prévue à l’automne 2024 !

Nous sommes à quelques jours de la fin de 2023. Une année chargée, trouble souvent, mais pleine d’espoirs.

Aussi je vous souhaite à tous et un peu à l’avance, le meilleur pour la nouvelle année à venir. Mes meilleurs vœux!

Aicha Zaïmi Sakhri

Directrice de publication