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Deuxième édition des Assises du Féminisme : L’appel des associations pour l’autonomie et la justice économique

Deuxième édition des Assises du Féminisme : L’appel des associations pour l’autonomie et la justice économique

Par Dounia Z. Mseffer

À Rabat, le 16 mai 2025, une trentaine de voix, des associations les plus établies aux militantes locales, se sont réunies pour la première journée des deuxièmes Assises du Féminisme. Cette rencontre importante a offert un espace d’écoute et de formulation de pistes concrètes pour une transformation durable des droits des femmes au Maroc. Détails.

Un souffle nouveau a parcouru le paysage militant marocain lors de la première journée des deuxièmes Assises du Féminisme, organisées par l’Association pour la Promotion de la Culture de l’Égalité (APCE) et placées sous le thème : « Violences et inégalités économiques, comprendre, analyser, agir » qui ont rassemblé des représentant.e.s d’associations, militant.e.s et activistes de diverses régions. L’objectif : repenser collectivement les contours et les enjeux du féminisme dans le contexte actuel.

Le féminisme marocain : Redéfinition, dialogue intergénérationnel et ancrage territorial

Dès le début de la journée, le débat s’est intensifié autour d’une interrogation essentielle : comment concevoir le féminisme aujourd’hui, et quelle est sa perception au sein des différentes réalités marocaines ? Si les associations pionnières assument leur identité féministe, c’est plus complexe pour les structures locales/régionales. Une divergence qui met en lumière les tensions profondes existant dans une société où la revendication des droits des femmes peut encore être reçue comme une provocation. « Le terme « niswiya » (féminisme) est mal compris dans notre région et peut porter préjudice à notre travail quotidien. Il est associé à une forme de révolte, voire à une menace à l’ordre établi et cette image pèse lourdement sur les femmes, doublement marginalisées, à la fois en tant que Rifaines et en tant que femmes », a souligné Hanane El Fakiri, présidente de l’Association des femmes pour le développement et la solidarité à Al Hoceima. Fatima Maghnaoui, de l’Union de l’Action Féminine (UAF) a également insisté sur cette distinction linguistique. Pour elle, « le mot ‘nissa’iya’ évoque une approche plus sociale, inclusive, enracinée dans le tissu réel des vécus féminins. Cette ‘nissa’iya’ permet de se reconnecter à un féminisme de proximité, moins élitiste, plus à l’écoute des réalités multiples que vivent les femmes au quotidien », a-t-elle affirmé tout en invitant à dépasser les clivages entre générations, villes et campagnes, ou classes sociales.

Le décalage entre jeunes militant.e.s et associations historiques a également été un sujet majeur. « Il est indispensable que les anciennes et les nouvelles générations militent ensemble. L’intersectionnalité est devenue un enjeu crucial, largement porté par les jeunes, et qui permet au féminisme marocain de gagner en profondeur, en diversité et en impact », a précisé Amina Lotfi de l’Association Démocratique des Femmes du Maroc Rabat. En réponse à cela, Oussama Zidi, jeune féministe engagé, a d’abord appelé à déconstruire l’idée simpliste d’une jeunesse homogène : « Cette population est en réalité très diverse, traversée par des réalités sociales, économiques, culturelles et éducatives très différentes. Les réseaux sociaux sont un outil pour faire entendre nos voix et dénoncer les injustices, tout en contournant les barrières de communication traditionnelles, mais ils ne font pas partie de l’ADN des jeunes, nous avons également besoin de nous appuyer sur l’expérience, les savoirs et les stratégies des générations précédentes », a expliqué Oussama. Dans cette même perspective, Latéfa Bouchoua, de la Fédération des Ligues des Droits des Femmes, a insisté sur la nécessité de créer des ponts et des espaces d’échange intergénérationnels. « Cela suppose également de s’émanciper des schémas institutionnels ou associatifs rigides, pour accueillir des approches plus souples, plus spontanées, plus connectées aux réalités d’aujourd’hui. C’est uniquement en acceptant ce dialogue entre mémoire et innovation que le féminisme marocain pourra continuer à grandir », a affirmé Latéfa Bouchoua.

Pérennité du Mouvement : financement et engagement au cœur des enjeux

Le financement du mouvement féministe a aussi été abordé comme un enjeu crucial pour assurer sa pérennité, surtout depuis les coupes opérées par certains bailleurs majeurs comme l’USAID. En effet, les associations féministes, en particulier les plus petites et les plus jeunes, se trouvent souvent en situation de fragilité face à la concurrence pour obtenir des financements. Une situation qui engendre ainsi une sélection biaisée et qui freine la diversité et la vitalité du mouvement féministe. « Les conditions imposées par les bailleurs étrangers finissent parfois par rediriger l’action militante, ou par l’enfermer dans des logiques de résultats, de projets à court terme et de reddition de comptes, au détriment d’un vrai changement social durable. Il faut donc inventer une philanthropie marocaine indépendante, citoyenne et solidaire et passer d’une logique de survie associative à une culture du soutien collectif », a proposé Driss El Yazami, militant des droits humains.

La question de la structuration des associations féministes a également été débattue, révélant l’équilibre fragile entre engagement militant et précarité organisationnelle. Aujourd’hui, environ 70 % des acteurs/trices de la société civile, notamment dans le secteur féministe, reposent essentiellement sur le volontariat et le bénévolat. « Le bénévolat ne peut plus être la pierre angulaire du travail féministe, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes militantes qui portent aujourd’hui une part importante de l’activisme. Ces jeunes militant·e·s ont le droit d’assurer leur avenir, de stabiliser leurs conditions de vie, et de voir leur travail reconnu comme une activité professionnelle à part entière. Le militantisme ne doit pas se transformer en terrain de sacrifice permanent », a insisté Leila Rhiwi, militante et ex-représentante de ONU Femmes Maroc.

Recommandations : Transformer les constats en actions concrètes

À l’issue de cette journée, de nombreuses recommandations ont été formulées, traduisant une volonté collective de passer des analyses aux actions concrètes. Pour une approche intégrée de l’égalité économique et sociale, les participant.e.s ont appelé à : l’intégration de la justice sociale et de l’égalité de genre dans les politiques économiques ; l’adoption de lois garantissant l’accès équitable à l’emploi, aux ressources et au crédit ; l’élaboration de politiques publiques soutenant l’engagement associatif féminin et l’emploi dans ce secteur ; la redistribution et l’accès équitable aux fonds (y compris ceux liés aux crises) ; et enfin, la mesure et l’évaluation régulières des politiques d’égalité avec transparence des données.

En matière de gouvernance, il a été souligné la nécessité d’une implication réelle et cohérente des pouvoirs publics dans la mise en œuvre effective des engagements en matière de droits des femmes. La création d’un forum national et régional de dialogue permanent sur les droits des femmes, inscrit dans une stratégie globale, inclusive et participative, a été vivement encouragée, ainsi que la redéfinition des rôles de l’État et la société civile féministe. Pour la représentation, l’information et le changement des mentalités, les participantes ont insisté sur :

  • La nécessité de garantir un accès clair, équitable et transparent à l’information juridique, économique et sociale.
  • Une meilleure représentation des femmes dans les médias.
  • L’instauration d’une véritable éducation à l’égalité et ce dès le plus jeune âge.
  • La promotion d’une culture politique fondée sur les droits humains.

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Direction artistique : Domizia Trenta
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Directrice de la publication : Aïcha Zaïmi Sakhri

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Aïcha Zaïmi Sakhri

Dossier de presse numero 26/2023

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