C’est ce que j’ai trouvé de plus « soft » pour figer en mots une hostilité inter femmes pas jolie-jolie du tout ! Le féminisme je suis tombée dedans quand j’étais petite. Biberonnée aux grands idéaux, j’ai eu une mère qui savait joindre le geste à la parole pour prendre son espace et se faire respecter (quitte à vous marcher dessus). C’est quelque chose que j’ai souvent admirée chez elle. Mais ce que j’ai le plus apprécié dans l’éducation qu’elle m’a donnée c’était son invariable credo : « entre femmes on doit se soutenir, quoi qu’il arrive ». Des femmes j’en ai vu défiler une pléthore à la maison. Des intellectuelles, des sophistiquées, des chata-matates, des conformistes, des belles, des craintives, des fortes, la liste est encore longue. Et nous devions apprendre à composer ensemble, sans nous juger, sans nous jauger parce que la guerre était ailleurs. Elle était dehors et ruisselait d’un système qui ne nous faisait aucun cadeau.
Le plafond de verre, la discrimination, les salaires inégaux, les droits non respectés, les ambitions contrariées, les rêves déçus, la pression sociale, la violence des hommes (…). Toutes ces choses finissaient inévitablement par nous tomber dessus à un moment donné ou à un autre et faire preuve de sororité était un moyen de rester debout face à l’adversité. J’ai appris ma leçon auprès de toutes celles que ma mère abritait chez elle lors de leurs passages à vide et de leurs heures sombres. J’ai tenu à ce précepte comme on tient la main d’une amie, avec confiance et dévotion.
Jugez donc de ma déconvenue lorsqu’arrivée à l’âge adulte, je me suis rendue compte que la majorité des nanas ne s’aimaient pas entre elles. Le sol s’est effondré sous mes mocassins vintage quand j’ai compris que le genre le plus sectaire était celui auquel j’appartenais. Celui qui vous matraquait impitoyablement pour des raisons aussi frivoles, qu’injustes.
Comptez de tête le nombre de fois dans la journée, où nous nous trashons sur nos physiques, nos choix de vie, nos opinions, nos fortunes et nos infortunes ! Nous nous permettons même de dénier le statut de féministe à celles jugées « trop sexy », « trop solaires », « pas assez diplômées ». Comme si l’empathie et l’engagement étaient obligatoirement liés à un physique sévère ou à des diplômes.
L’idée de rédiger cette chronique m’est venue, après que ma collègue ait publié l’interview d’une célèbre influenceuse. J’ai vu les jets de haine déversés sur nos pages. Magnifique ! Et surtout très représentatif d’une guerre (primitive) que nous nous menons depuis la nuit des temps. Ne nous leurrons pas ! Bitcher sur nos congénères ne fait que traduire des insécurités ancestrales. Insécurités remontant à l’époque où trouver un mâle pourvoyeur et reproducteur était une question de survie. Nous devions alors neutraliser toute rivale potentielle par le sang ou le fiel. Des milliers d’années plus tard, les peurs sont toujours là. Les doutes aussi. Notre précarité sociale a continué de nourrir l’hostilité en question.
J’ai honte de le dire, mais j’envie ces messieurs. Pas à cause de leurs privilèges, mais parce qu’ils n’auront jamais à expérimenter cela. Un homme reste un homme aux yeux d’un autre homme. Peu importe son degré d’éducation, son physique, son statut, il le trouvera toujours digne de considération et… digne de passer avant nous ! Alors mesdames, lorsque l’envie vous reprendra de vous cribler de balles mutuellement, pensez aux conséquences. Chaque médisance, chaque injure, chaque critique proférée sera une offrande de plus déposée sur l’autel de la misogynie. Je dis ça, je dis rien.