L’égalité : ça ne pousse pas tout seul, il faut la cultiver !

Par Aicha Zaïmi Sakhri, Directrice de publication

L’égalité, ce n’est pas une option qu’on ajoute quand ça nous arrange. Ce n’est pas un « truc » qui mûrit tout seul avec le temps, ni une faveur que l’on accorde aux femmes « quand elles seront prêtes ». Et encore moins un concept importé d’ailleurs qui viendrait perturber nos précieuses traditions. Si c’était le cas, ça ferait longtemps qu’on n’aurait plus besoin d’en parler. Mais non. L’égalité, ça s’arrache, ça se revendique, ça se construit… et surtout, ça s’apprend.

« Parce qu’on ne naît pas féministe, on le devient ». L’égalité, avant d’être un combat, est d’abord une prise de conscience. Elle commence par une simple question : Pourquoi ?

Pourquoi les petites filles doivent-elles être sages et obéissantes pendant que les garçons sont encouragés à prendre des initiatives ? Pourquoi les femmes doivent-elles toujours prouver qu’elles méritent un poste, une promotion, un espace de parole ? Pourquoi est-il plus acceptable qu’un homme sorte seul tard le soir alors qu’une femme devra justifier son trajet, son heure de retour et même sa tenue ? Pourquoi, en 2025, devons-nous encore nous battre pour des droits qui devraient être évidents ?

L’éducation : première ligne de front contre le patriarcat

L’égalité s’apprend d’abord à l’école, où il est temps d’arrêter de cantonner les filles aux « métiers féminins » et les garçons aux rôles de chefs. Elle s’apprend dans la famille, où les mères ne devraient plus être les seules garantes de l’éducation des enfants pendant que les pères « aident » quand ils ont le temps. Elle s’apprend aussi dans l’espace public, où une femme devrait pouvoir marcher sans craindre les remarques, les sifflements et les regards intrusifs qui lui rappellent sans cesse que sa présence est tolérée, mais jamais complètement acceptée.

Mais l’apprentissage de l’égalité se heurte à un mur dans notre environnement : celui d’une société profondément patriarcale qui continue de considérer les femmes comme des êtres « à protéger », ce qui est une autre façon de dire « à contrôler ». Ce patriarcat ne se limite pas aux mentalités : il est inscrit dans nos lois, dans nos institutions, dans notre manière de répartir les rôles et les privilèges.

L’égalité sans lois, c’est du vent

On aime nous dire  « qu’il faut laisser les choses avancer doucement, qu’il faut laisser le temps aux mentalités d’évoluer ». C’est faux. Rien n’avance sans un cadre juridique solide. L’histoire nous l’a prouvé : aucun droit n’a été concédé de bon cœur par les systèmes en place. Ce qui fait bouger les choses, ce sont les mobilisations, la pression des associations féministes et des activistes, et surtout, des lois claires et appliquées. Car oui, une égalité sans cadre juridique, c’est comme une salade sans huile : ça manque de saveur et donc ça ne fait pas mincir !

Prenons un exemple concret : le Code de la famille. En 2004, sa réforme avait été saluée comme une avancée majeure. Vingt ans plus tard, il montre ses limites. Le nouveau code de la famille annoncé dévoile déjà ses limites. Tant qu’il continuera à accorder à l’homme la « Quiwamah », comment peut-on parler d’égalité ? Tant que l’héritage restera inégalitaire, comment peut-on affirmer que les femmes ont les mêmes droits que les hommes ? Tant que les violences à l’égard des femmes sont un parcours du combattant pour une femme qui veut porter plainte, comment peut-on dire que la justice est de son côté ?

L’égalité sans indépendance économique n’existe pas !

Et que dire du droit au travail ? Bien sûr, les femmes ont le droit de travailler. Mais dans la réalité, elles doivent encore affronter une multitude d’obstacles : des mentalités qui les renvoient à la maison, des employeurs qui hésitent à les embaucher en raison du mariage et des enfants, des conditions de travail précaires, des salaires insuffisants, et un manque de protection contre le harcèlement.

Résultat ? Le taux d’activité des femmes marocaines est l’un des plus bas au monde. Mais pas seulement à cause du mariage et des enfants.

Si beaucoup de femmes restent en dehors du marché du travail, c’est aussi parce qu’il n’y a tout simplement pas assez d’emplois, et que ceux qui existent offrent peu de perspectives d’évolution et des salaires qui ne permettent pas de vivre dignement.

Pourtant, il ne faut pas oublier qu’au Maroc, 20 % des foyers sont dirigés par des femmes. Ces cheffes de ménage, souvent invisibilisées, portent à bout de bras des familles entières, bien qu’elles aient un accès limité aux opportunités économiques. Et que dire de tout ce travail invisible, du soin aux enfants à la gestion du foyer, en passant par l’aide aux personnes âgées, et de cette charge mentale qui reposent encore largement sur les épaules des femmes sans être reconnu, ni rémunéré ?

Sans politiques publiques volontaristes – crèches accessibles, égalité salariale, protection des travailleuses du secteur informel – l’égalité économique restera un vœu pieux ! Car l’indépendance financière n’est pas un luxe : c’est la clé de l’autonomie et de l’émancipation. Et il est grand temps de sortir du discours sur « l’accès des femmes au travail » pour s’attaquer à la vraie question : comment leur garantir un emploi digne, stable, bien rémunéré et équitable ?

L’égalité n’est pas une faveur, c’est un droit

On peut apprendre l’égalité, la défendre, la revendiquer… mais si elle ne s’écrit pas noir sur blanc dans la loi et ne se traduit pas en mesures concrètes, elle reste une illusion. Et soyons honnêtes : les belles promesses ne suffisent plus. Ce qu’il nous faut, ce sont un code de la famille plus égalitaire, des lois audacieuses, des sanctions dissuasives, une justice qui protège réellement les femmes, un cadre juridique qui ne laisse plus de place aux interprétations rétrogrades.

Alors oui, l’égalité, ça s’apprend. Mais surtout, ça s’impose. Dans l’éducation, dans les mentalités, dans le milieu professionnel et surtout, dans les textes de loi. Parce qu’un droit n’est pas une faveur que l’on accorde quand ça arrange. C’est un acquis qui doit être inaliénable. Et chez nous, il est grand temps de passer des discours aux actes.

Aicha Zaïmi Sakhri

Directrice de publication

Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir un condensé d’inspirations et d’informations autour de l’égalité
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir un condensé d’inspirations
et d’informations autour de l’égalité

Direction artistique : Domizia Trenta
Direction artistique Domizia Trenta

Directrice de la publication : Aïcha Zaïmi Sakhri

Directrice de la publication

Aïcha Zaïmi Sakhri

Dossier de presse numero 26/2023

Newsletter
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir un condensé d'inspirations et d'informations autour de l'égalité

Newsletter
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir un condensé d'inspirations et d'informations autour de l'égalité

PHP Code Snippets Powered By : XYZScripts.com