Image Alt Text

Les mouvements féministes au maroc en quelques dates clés

Karim Moucharik

L’historiographie officielle fait commencer le mouvement féministe marocain dans les années 1940. La première génération de défense des droits des femmes était affiliée aux partis nationalistes de libération. Plus tard, une deuxième génération de militantes créera des structures féministes plus autonomes dans les années 1980. Après le mouvement du 20 février 2011, de nouvelles revendications féministes individuelles et collectives se feront entendre dans et en dehors des réseaux sociaux.

1944
Création de la section féminine du parti de l’Istiqlal avec comme figure de proue Malika El Fassi, seule femme à avoir signé le Manifeste de l’indépendance. Création de l’Union des femmes du Maroc proche du parti communiste.
1946
Création de l’association Akhawaat Assafa, les sœurs de la pureté, proche du parti démocrate de l’indépendance. Les femmes de cette association demandaient déjà dans les années 1940 l’adoption d’une juridiction plus équitable avec l’abrogation de la polygamie, de la répudiation et la lutte contre les agressions sexuelles. Elles ont adressé leurs revendications dans un rapport destiné au sultan.
9 avril 1947
Discours historique de Lalla Aicha à Tanger dans lequel elle promeut l’éducation des filles. C’est la première femme qui s’est dévoilée et qui a pris la parole en public dans l’histoire du Maroc contemporain. Cette première génération de militantes était affiliée à des partis politiques nationalistes dans un contexte de lutte pour l’indépendance. Leurs revendications concernaient principalement l’éducation des filles et les droits civils dans le cadre du mariage. La fin des années 1950 et les années 1960 verront l’essoufflement du mouvement des femmes et la promulgation en 1957-58 d’un code de statut personnel très inégalitaire , la Moudawana, par un pouvoir autoritaire et conservateur.
LES ANNÉES 1980 et 1990
Les années 1980 verront l’émergence d’une deuxième génération de féministes, plus autonomes par rapport aux partis politiques ainsi que la prolifération d’écrits et d’études réalisées par des femmes sur des femmes. Malika Belghiti a été une des premières sociologues à avoir mené une enquête sur des femmes rurales dans le Tessaout en 1969. La décennie 1980 sera plus prolifique en écrits féministes. Voici quelques dates clés des décennies 80 et 90 :
1983
Parution du mensuel 8 Mars
1985
Création de la première association féministe, l’ADFM , l’association démocratique des femmes du Maroc.
1986
Parution de la revue féministe Kalimat qui a a abordé des sujets tabous et sera censurée.
1987
Création de l’UAF, union de l’action féministe Publication du livre de Fatema Mernissi, le harem politique : Le prophète et les femmes.
1992
Création de l’AMDF, l’association marocaine des droits des femmes.
7 mars 1992
La campagne de pétition « un million de signatures » pour une réforme égalitaire du code du statut personnel est lancée par l’union pour l’action féministe.
1993
Création de la LDDF, la ligue démocratique des droits des femmes
1995
Création de Joussour, Forum des femmes marocaines. L’année 1995 verra aussi la parution de revues féminines plus grand public à l’instar de Femmes du Maroc et Citadine qui ont adopté une ligne éditoriale en faveur des droits des femmes et contribué au débat public autour de sujets de société parfois tabous. Au début des années 2000, les organisations féministes organiseront de nombreuses manifestations et mobilisations pour appeler au changement du Code du statut personnel.
12 mars 2000 
manifestation à Rabat pour défendre le plan d’intégration de la femme au développement qui vise à améliorer les droits des femmes.
2001 
Constitution du Printemps de l’égalité, collectif d’association féministes dont le but est la réforme du code du statut personnel. Le collectif organisera des sit-in, des défilés, des rencontres avec les partis politiques, des campagnes de presse pour sensibiliser un large public à la cause des femmes. Ces mobilisations déboucheront en 2004 sur la réforme de la Moudawana qui améliore le droit des femmes au sein de la famille. Il reste toutefois d’autres batailles à mener pour le mouvement féministe marocain comme l’abolition de la discrimination en matière successorale, la lutte contre les violences faites aux femmes et l’adoption d’un code pénal plus respectueux des libertés individuelles.
2007 
Protestation de 500 femmes soulaliyates devant le parlement. Les femmes soulaliyates se sont mobilisées pour défendre leurs droits fonciers. Elles ont constitué un mouvement national en coordination avec l’ADFM pour contester les lois régissant le régime foncier au Maroc qui exclut les femmes des droits d’accès aux terres collectives. Cette mobilisation rappelle celle des femmes de la tribu des Zemmours qui se sont mobilisées en 1913 à Khemisset contre la privation de leur héritage par les autorités coloniales. Après mouvement du 20 février et le développement d’un activisme sur internet , on verra l’apparition de nouvelles formes de mobilisations et l’émergence de nouveaux- nouvelles acteurices sur la scène militante. Voici quelques dates clés de la décennie 2010-2020 :
2012
Mobilisations et protestations après le suicide de la jeune Amina Filali, forcée de se marier avec son violeur. Cette forte mobilisation a conduit en 2014 à l’abrogation de l’article 475 du code pénal qui permettait au violeur d’échapper à la prison en épousant sa victime.
2018 
#Masaktach. Derrière ce hashtag se cache un collectif qui dénonce la culture du viol et les violences faites aux femmes. Il est souvent présenté comme le me-too marocain
2019 
La journaliste Hajar Raissouni est arrêtée et condamnée pour avortement illégal et relation sexuelle hors mariage. Cette affaire va secouer l’opinion publique marocaine. Il y aura de nombreuses manifestations de soutien et des pétitions demandant la libération de ka journaliste. Suite à cette affaire, il y aura constitution du collectif « hors la loi » qui dans un manifeste demande l’abrogation de l’article 490 du code pénal qui pénalise les relations sexuelles hors mariage.
Mars 2022 
Constitution du collectif pour les libertés fondamentales qui propose des pistes d’amendement de la Moudawana et du code pénal. Ces quelques dates clés racontent une histoire des mouvements féministes marocains. Certaines femmes, certains événements et certains récits sont privilégiés et médiatisés alors que d’autres sombrent dans l’oubli et sont invisibilisés. On peut écrire une autre histoire du féminisme, une autre histoire des femmes marocaines. Une histoire moins linéaire, remonter jusqu’à l’Antiquité et retrouver des femmes qui se sont distinguées dans la sphère publique et qui ont sombré dans l’oubli. L’historiographie officielle a également tendance à minimiser le rôle joué par les femmes du peuple et issus du monde rural. Qui connait la caida Chamsi Az Ziwawiya de la tribu des Beni Znassen ? Ou Rahma al-Madani ar-Rifiya qui écrivait dans les journaux tétouanais dans les années 1940 ou Aicha El Amrania des Ait Ba Amrane morte au combat pendant la bataille d’Assak en 1916 ? Comme le souligne Osire Glacier « l’histoire du féminisme au Maroc mériterait d’être récrite, en tenant compte cette fois-ci des rapports multiples du pouvoir qui interviennent dans la production du savoir sur l’histoire des femmes au Maroc en général, et celle du féminisme en particulier ».

Pour en savoir plus :

 

  • Assia Benadada, “Les femmes dans le mouvement nationaliste marocain”, Clio [Online], 9 | 1999, Online since 22 May 2006, connection on 23 July 2023.
  • Latifa El Bouhsini. Le mouvement féministe au Maroc : quelques repères historiques.
  • Osire Glacier. Pouvoir et production du savoir : le cas du féminisme marocain.
  • Rabea Naciri. Le mouvement des femmes au Maroc. Dans Nouvelles Questions Féministes 2014/2 (Vol. 33), pages 43 à 64.

Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir un condensé d’inspirations et d’informations autour de l’égalité
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir un condensé d’inspirations
et d’informations autour de l’égalité

Direction artistique : Blooming Baobab

Direction artistique

Blooming Baobab

Directrice de la publication : Aïcha Zaïmi Sakhri

Directrice de la publication

Aïcha Zaïmi Sakhri

Dossier de presse numero 26/2023

Newsletter
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir un condensé d'inspirations et d'informations autour de l'égalité

Newsletter
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir un condensé d'inspirations et d'informations autour de l'égalité