Chères lectrices,
Encore un 8 mars. Une journée où les marques vont nous vendre du glam ou de l’électro-ménager, où les entreprises vont offrir du chocolat ou des roses à leurs employées à défaut d’augmentation de salaire ou de promotions. Une journée où certains comme les médias et les politiques feront semblant de s’intéresser à nos combats avant de passer à autre chose dès le lendemain. Et encore et surtout cet amalgame persistant et entretenu par beaucoup : non, ce n’est pas « la fête de la femme » ! Pourtant, toute la journée, nous allons entendre des « bonne fête ! » lancés avec la meilleure intention du monde. Comme si cette journée était un moment de célébration, une Saint-Valentin bis où l’on nous couvrirait de compliments et de bonnes intentions.
Mais le 8 mars n’a jamais été une fête. C’est une journée de lutte. Une journée pour rappeler que l’égalité est encore loin d’être acquise, que les injustices persistent et que nos droits ne sont jamais garantis. Et aujourd’hui plus que jamais, ces droits sont menacés. Partout dans le monde, une vague conservatrice et réactionnaire tente de les remettre en question. De l’Amérique à l’Europe, des décisions politiques régressives attaquent des acquis que l’on croyait inébranlables : le droit à l’avortement, les lois contre les violences faites aux femmes, l’égalité économique et sociale.
Le Maroc n’est pas épargné. Cette année, la réforme du Code de la famille aurait pu marquer une avancée historique. Elle aurait pu reconnaître, enfin, que les Marocaines sont des citoyennes à part entière, capables de décider pour elles-mêmes. Au lieu de cela, le futur Code tel qu’il est annoncé, ne propose pas un changement de paradigme.
Comme l’explique Latifa El Bouhsini dans une interview accordée à Egalitemag (et que vous pouvez lire à la suite de cet édito) , cette réforme « refuse de remettre en question les fondements mêmes du patriarcat ». Elle maintient la Qiwama, cette hiérarchie qui place toujours les femmes sous tutelle. Elle ignore le travail invisible des femmes, leur autonomie, leur droit à décider de leur propre vie.
L’héritage ? Intouchable.
La polygamie ? Toujours permise.
Les enfants nés hors mariage ? Toujours privés de filiation.
Quelques avancées promises tout de même mais attendons la mouture définitive des textes de lois pour s’en réjouir. Ou pas.
Bref, pas de grands changements surtout sur l’essentiel.
Alors, que faire en ce 8 mars ? Certainement pas se réjouir ou se laisser distraire par des vœux creux. Le féminisme n’a jamais été une politesse, encore moins un cadeau. Ce que nous avons gagné, nous l’avons arraché. Ce que nous voulons encore, il faudra le prendre.
Egalitemag est là pour ça. Pour dénoncer, pour bousculer, pour refuser les demi-mesures et les compromis qui nous maintiennent dans l’injustice.
Alors, chères lectrices, en ce 8 mars, gardez votre colère intacte. Ne lâchez rien. Parce que l’histoire ne se fait pas sans les militantes du tissu associatif féministe. (Lire l’article « Les moments forts du mouvement féministe marocain). Elle se fait aussi avec vous, et surtout, grâce à nous toutes !
Aïcha Zaïmi Sakhri,
Directrice de publication