À l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, plusieurs collectifs féministes marocains ont adressé une lettre ouverte au Chef du gouvernement, appelant à une révision en profondeur du Code de la famille. Le texte, bien que progressiste à l’époque de sa promulgation, est aujourd’hui jugé insuffisant et en décalage avec les réalités sociales du pays.
Dénonçant des dispositions juridiques qui perpétuent les inégalités, en particulier dans les domaines du mariage, du divorce, de l’héritage et de la garde des enfants, le courrier a encouragé une réforme en mesure d’assurer des droits équitables aux femmes.
Présidente de l’Union de l’Action Féminine (UAF) et avocate, Aïcha Alahiane analyse les failles des propositions récemment dévoilées. La militante revient en outre sur les leviers d’action déployés par la société civile et les obstacles institutionnels à surmonter pour aboutir à un cadre législatif réellement égalitaire. Analyse et perspectives.
« Le combat pour l’égalité ne peut se limiter aux lois »
Quelles sont les réclamations prioritaires de votre mouvement en ce qui concerne le projet de réforme ?
Nous plaidons pour des changements intégrant les évolutions sociales, alignés sur la Constitution de 2011 et les conventions internationales. Il s’agit de reconnaître les femmes comme partenaires décisionnelles au sein de la famille et d’abolir des pratiques comme la polygamie et le mariage des mineures. L’égalité patrimoniale, notamment l’accès aux biens acquis durant le mariage et l’égalité successorale sont aussi des revendications clés.
Les lois protégeant les femmes contre les violences existent, mais leur application reste souvent insuffisante. Y a-t-il moyen de garantir une meilleure protection des concernées?
La loi 103-13 contre les violences faites aux femmes demeure inefficace, car elle ne couvre pas tous les aspects de la chose (viol conjugal, violence institutionnelle, violences politiques…). Elle manque de mécanismes concrets et ne prévoit pas de sanctions contre les autorités en cas de défaillance. Il est donc nécessaire d’adopter une législation globale permettant la prévention, la protection, la prise en charge des victimes et la lutte contre l’impunité. Cela passe par une réforme du Code pénal, du Code de procédure pénale et aussi par l’élimination de toutes les dispositions discriminatoires. Des fonds dédiés et des centres d’accueil adaptés sont également requis.
Selon vous, comment ancrer la culture de l’égalité et lutter contre les stéréotypes de genre au Maroc ?
Le combat pour l’égalité ne peut se limiter aux lois. L’éducation est un levier central pour instaurer une réflexion dès le plus jeune âge et éliminer les représentations sexistes. En parallèle, le secteur médiatique doit jouer son rôle de sensibilisation de l’opinion publique et informer les femmes, car de nombreuses victimes ignorent tout de leurs droits, particulièrement en milieu rural.