Initiée par le Réseau marocain des journalistes des migrations (RMJM), la première étude quantitative sur la couverture du phénomène révèle un fait accablant : les migrantes sont presque totalement absentes des récits.
C’est l’un des premiers constats de cette enquête publiée en mai 2025. Sur 184 articles analysés, seuls trois font mention des femmes migrantes. Moins de 2 % de l’échantillon. Conduite par le journaliste et universitaire Mohamed Karim Boukhssas, l’étude démontre que les récits autour du sujet continuent d’ignorer les réalités vécues par celles-ci. Leur histoire, pourtant marquée par des vulnérabilités accrues (violences sexuelles, précarité, exploitation) est passée sous silence. Aucun traitement genré, aucun éclairage sur leur intégration, leur santé ou leurs activités ! « La représentation de la femme migrante dans les médias est en effet presque inexistante. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : le manque de journalistes spécialisés, l’absence de directives claires dans les rédactions, la crise du secteur des médias, le recul de la liberté de la presse et la forte influence du discours officiel sur la médiatisation des questions migratoires » précise Dounia Z. Mseffer, Présidente du RMJM.
Une configuration qui explique pourquoi les chiffres se focalisent sur une approche essentiellement sécuritaire. 72 % des articles se concentrent sur la migration dite irrégulière et 49 % sur le contrôle des frontières. Un cadrage anxiogène, dominé par des sources officielles (45 %), où les voix des migrants et a fortiori celles des femmes, sont réduites à néant (seulement 3 % de citations). Loin de visibiliser les parcours, les supports participent ainsi à une forme d’effacement systémique. « Que ce soit dans les médias ou les discours officiels, la thématique est souvent abordée à travers le prisme du débat migratoire européen où les droits de l’Homme ne sont que peu évoqués. Cela n’aide malheureusement pas à obtenir un traitement équilibré, objectif et humain de la chose » reprend-elle.
La presse marocaine n’est pourtant pas dépourvue d’initiatives : quelques titres comme Enass ou Yabiladi tentent d’ouvrir des espaces plus inclusifs. Mais ils restent minoritaires face à une production globalement uniforme, où les stéréotypes dominent. Le silence médiatique autour des femmes migrantes est d’autant plus préoccupant qu’il alimente l’indifférence sociale et politique.
Pour le RMJM, ces résultats sont un appel à l’action : ils invitent les médias, les journalistes et aussi la société civile à se mobiliser pour repenser le récit migratoire. Non plus comme une crise, mais comme une réalité humaine multiple, dans laquelle les femmes ont toute leur place, à condition d’être enfin regardées et entendues.