Un pas en avant, mais un changement de paradigme qui se fait attendre.

Par Aïcha Zaïmi Sakhri

Cher(e)s Lectrices et Lecteurs Engagés,

D’après les informations communiquées par la MAP et la communication Gouvernementale, certaines propositions semblent constituer des avancées importantes dans la révision du Code de la Famille. Cependant, par mesure de prudence, il convient d’attendre la rédaction définitive du texte, qui, selon le Chef du Gouvernement, sera élaboré rapidement avant d’être débattu puis adopté au Parlement.

Les mesures annoncées, si elles se confirment, marqueraient des pas significatifs dans plusieurs domaines. L’interdiction des mariages en dessous de 17 ans mettrait fin à une pratique longtemps dénoncée comme une violence faite aux enfants. La garde des enfants, qui resterait assurée pour la mère même après son remariage, garantirait davantage de stabilité et de justice aux familles.

Par ailleurs, la reconnaissance du travail domestique comme une contribution aux biens acquis durant le mariage représenterait un progrès symbolique important, offrant une légitimité économique aux efforts des femmes au foyer. La gestion conjointe de la tutelle parentale, même après une séparation, et l’introduction de critères pour accélérer les procédures relatives aux pensions, seraient également des mesures favorisant une meilleure organisation et une plus grande efficacité des relations familiales.

Sur le plan financier, la possibilité pour les parents de faire des donations (quid de l’imposition à sujet par ailleurs ?) à leurs filles, même mineures, apporterait une flexibilité dans la répartition des biens. De même, l’ouverture aux donations et aux testaments en cas de différence de religion entre les époux traduirait une reconnaissance des réalités multiculturelles et modernes.

Cependant, malgré ces avancées potentielles, le changement de paradigme attendu n’aurait pas eu lieu. Le principe de la quiwamah, qui consacre l’homme comme chef de famille pourvoyeur de fonds resterait inchangé, continuant de perpétuer un modèle familial fondé sur une inégalité entre les époux.
L’égalité dans l’héritage, une revendication essentielle pour instaurer une véritable justice entre les sexes, ne semble toujours pas envisagée. Au moins la suppression du taassib. Si les donations (non taxables ) sont un pas en avant, elles ne sauraient remplacer une réforme structurelle de la répartition successorale. De plus, la polygamie, une aberration à notre époque, bien qu’encadrée par la condition de monogamie imposée par l’épouse dans l’acte de mariage, resterait permise dans certains cas, confirmant une vision où l’égalité dans le mariage est encore soumise à des exceptions.

Autre point décevant : Le refus de reconnaître l’expertise génétique comme preuve de filiation paternelle. Dans un pays où les mères célibataires et leurs enfants continuent de subir de lourdes stigmatisations, cette décision est incompréhensible. Pourquoi refuser d’utiliser les avancées scientifiques pour garantir les droits fondamentaux des enfants nés hors mariage ? Ce blocage, justifié par des interprétations religieuses conservatrices, condamne ces femmes et ces enfants à une marginalisation injuste.

Enfin, la question de la successibilité entre musulmans et non-musulmans reflète une vision restrictive des familles marocaines modernes, souvent métissées et multiculturelles. Ce refus d’adaptation ne tient pas compte des réalités vécues par de nombreux citoyens et citoyennes.

En l’état, cette réforme, si elle se confirme telle qu’annoncée, moderniserait beaucoup d’aspects pratiques du Code de la famille mais sans remettre en question ses bases patriarcales. Les ajustements proposés répondraient à des problématiques spécifiques, mais laisseraient intactes les inégalités structurelles.

Ces avancées, bien que notables, ne doivent pas faire oublier l’objectif ultime : Un véritable changement de paradigme, où les lois ne se contentent pas d’adapter l’injustice, mais la corrigent en profondeur.

Nous attendrons avec vigilance la version définitive du texte et continuerons à porter haut nos revendications pour une réforme qui replace l’égalité au cœur de nos institutions.

Aicha Zaïmi Sakhri
Directrice de publication

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Dossier de presse numero 26/2023

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