Une ouverture au cœur de l’été 2021 qui, pourtant semble être passée inaperçue hors du cercle féministe. Lors de son discours annuel de la Fête du Trône, S.M le Roi Mohammed VI a officiellement relancé la question de l’Egalité des genres deux décennies après avoir réformé la Moudawana en 2004. Le gouvernement se voit donc challenger pour ajuster, en six mois, les défaillances et points manquants du texte. Mais quelques propositions rectificatrices suffiront-elles ? Le mouvement féminin et la société civile ont de plus hautes ambitions. Récap d’un grand chantier pour l’Égalité entre les genres qui redémarre, enfin.
Depuis le discours royal de la Fête du Trône du 29 juillet 2022, le mouvement féminin comprenant le message a élaboré des recommandations précises qui ne laissent place à aucune ambiguïté : aux côtés d’amendements à prévoir pour certains articles dysfonctionnels, la question de l’héritage, privilège de naissance de la masculinité, est abordée sans tabous. Le curseur est placé. D’ores et déjà, le gouvernement en place sait qu’il ne pourra se contenter de quelques modifications et d’une refonte de la formation des juges en matière de droits matrimoniaux.
Depuis 2004, vingt années ont permis de rassembler et d’évaluer les données pour en tirer des conclusions qui, entre texte de droit et terrain, obligent à une réforme au motif d’effets contradictoires avec l’esprit même de la nouvelle Moudawana. Certes, les avancées telles que l’abolition du devoir d’obéissance et de la présence d’un wali pour le mariage, le renforcement du droit aux divorces pour les femmes ainsi que de la protection de leurs enfants avec obligation de la pension et du domicile conjugal ont été et sont – ne boudons pas notre fierté dans la région Mena- magistrales. Hélas. Très vite, en moins de trois années, les associations ont agité des red flags devant les articles 20 et 21 du nouveau code de la famille dans les tribunaux de la famille qui ont augmenté considérablement le nombre de mariage des jeunes filles mineures. Concernant la partie du divorce, le texte apparaît inabouti. De gros manquements portent atteinte aux droits de l’Enfance tels que l’art.148 qui ne prévoit pas la responsabilité du père pour un enfant conçu hors des liens du mariage, l’art.236 qui prévoit la tutelle légale pour le père et non la mère, l’art 173 qui empêchent le remariage d’une femme divorcée sous peine de perdre la garde de ses enfants, l’art 190 qui n’indexe pas le niveau de pension alimentaire aux revenus du parent concerné pour ne citer que les plus urgents pour les enfants et leurs mères…
Devant ces dysfonctionnements produits par de lourdes contradictions en matière de référentiels qui traversaient la société d’alors, la nécessité d’une réforme s’impose aujourd’hui, de facto. Le mouvement féminin estime qu’il est temps pour le Maroc de briser l’inégalité la plus cruelle pour les familles soit la question de l’héritage. Reste également la polygamie, epsilon côté chiffres, mais tellement humiliante sur le plan symbolique. On s’approche alors du point sensible soit la question du référentiel religieux en lien avec le droit familial. Si les avancées du Maroc permettent la réflexion d’un droit positif « pensable », les réticences patriarcales se dressent dans toute la société instrumentalisant la religion selon leurs intérêts directs.
Or, depuis 2004, deux dates fortes marquent l’engagement du Maroc vers un référentiel plus égalitaire : la signature du CEDAW en 2008 ou la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes à l’ONU ainsi que la Constitution de 2011 qui marque une avancée majeure dans l’égalité. De plus, la société marocaine a vécu ses convulsions politiques liées aux valeurs d’extrême-droite avec le PJD et semble être revenue de ses illusions d’optique. Le décalage entre la Moudawana actuelle et la société marocaine portée par un développement économique et social reconnu dans toute la région est de plus en plus béant mais surtout créateur d’inégalités de naissance entre les genres et/ou ça et là les décisions arbitraires des juges validées par l’art 400 du texte.
Derrière ces mots, ces chiffres : des larmes, de la fatigue et souvent, de douloureuse résignation. Ce sont des pans entiers de la population qui sont lésés et peu aptes à rejoindre l’élan vital dont a besoin le pays pour se hisser au niveau de son engagement pour atteindre ses ODD (objectifs de développement durable) en 2030. L’Égalité entre les genres n’est pas un débat strictement féministe mais un enjeu économique d’une société indépendante L’acte II de la réforme sera-t-il un dépoussiérage emballé dans une communication politique 3D, une approche religieuse fondée sur l’Ijttihâd et « les finalités premières du Coran » ou une émancipation du droit de la famille de la question religieuse au même titre que le code du commerce ? Nul doute que ces six mois seront passionnants à suivre de près.