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New York-CSW69, 30 ans après Beijing : Le regard d’un jeune militant marocain

Par Ossama ZIDI

À 26 ans, Ossama Zidi est un jeune activiste marocain engagé pour les droits humains et l’égalité des genres. Il collabore depuis quelques semaines avec Egalitémag. Invité à participer à la 69e session de la Commission de la condition de la femme (CSW69) aux Nations Unies à New York dans le cadre de son engagement associatif, il livre ici un témoignage personnel, entre enthousiasme international et réalités locales. Un regard lucide et engagé sur la lenteur du changement et la puissance de la solidarité.

Retour à Rabat après deux semaines à New York, où nous avons eu l’immense opportunité d’assister à la CSW69 aux Nations Unies. En tant que jeune activiste et militant marocain, c’est un véritable honneur d’avoir été dans cet espace où se retrouvent des dirigeants, des décideurs, des leaders et des activistes engagés du monde entier. Voir ces personnes formidables discuter, débattre et s’engager m’a rempli d’espoir. Mais après que l’effet « WOW » soit retombé, une réalité bien moins brillante s’impose :

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Où en sommes-nous vraiment, 30 ans après Beijing ?

Où en sommes-nous vraiment, 30 ans après Beijing ? Trente ans de conférences, trente sessions de la CSW, des déclarations, des promesses… et pourtant, les discussions tournent en boucle. Le bilan des avancées est certes là, mais il n’est pas aussi radieux qu’on le souhaiterait. On espère toujours plus, et on attend de ces conférences des changements concrets. Mais, une fois l’illusion des grandes déclarations dissipée, un constat amer apparaît : malgré les discours, les progrès sont lents, voire inexistants.

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Voix croisées de jeunes militantes marocaines

C’est à ce moment précis, en tant que jeunes militants, que l’on se demande : Où allons-nous vraiment ? Que reste-t-il à faire, concrètement, pour faire avancer la cause de l’égalité et de la dignité des femmes dans nos pays, et particulièrement au Maroc ? Cette question me hante, car malgré toute l’énergie déployée et la solidarité affichée entre activistes, on voit bien que la route reste semée d’embûches. Si l’on se réfère aux grands discours tenus à l’ONU, on pourrait se dire qu’il ne manque plus grand-chose. Mais la réalité est bien plus complexe. À chaque panel, chaque réunion, on nous répète les mêmes choses : des engagements, des promesses, mais à quel prix ? La lenteur du changement devient presque insupportable. Asmae Aboulfaraj, une jeune militante de 26 ans, membre de l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM), m’a confié une réflexion qui résonne profondément : « C’est comme si on tournait en rond, discutant encore et encore des mêmes enjeux, mais avec si peu d’avancées tangibles. Ce que je retiens de la CSW69, c’est que ce n’est pas plus de discours qu’il nous faut, mais des dialogues vrais, des stratégies innovantes, et surtout, de la solidarité. » À l’image d’Asmae, il y a cette impression que, au lieu d’avancer, on stagne. Mais ce n’est pas pour autant que l’espoir nous quitte. La conférence nous a permis de rencontrer des gens d’horizons différents, de construire des ponts entre les générations et les mouvements. Et c’est là qu’intervient la dimension de solidarité, essentielle dans notre lutte. Mouna Rahiani, une autre militante jeune et engagée de l’association Kif Mama Kif Baba présente à l’évènement, soulève un point crucial : « La CSW, c’est une bonne opportunité pour être vue à l’international, mais franchement, il n’y a pas assez d’espaces d’échange réels. Les discours restent souvent les mêmes, comme si on n’arrivait pas à entendre la voix de celles qui en ont vraiment besoin. Et si ces événements se délocalisaient dans des pays où l’accès est plus difficile, là où les femmes vivent dans des situations plus complexes ? » Mouna soulève ici un défi important : rendre ces forums plus inclusifs, donner la parole à celles qui ne peuvent pas voyager, qui ne sont pas invitées, mais dont les voix sont pourtant cruciales. Une réalité que nous vivons au Maroc également, où bien que les mouvements féministes soient actifs, nous devons encore travailler à faire entendre toutes les voix, et pas seulement celles des privilégiées.

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La réforme de la Moudawana : un enjeu majeur

À la CSW69, nous avons aussi discuté des défis auxquels nous faisons face au Maroc, notamment la question de la réforme de la Moudawana. En tant que jeunes, nous sommes impatients de voir un véritable changement législatif, mais aussi un changement de mentalité. Asmae le dit très bien : « Nous avons des réformes en cours, mais la question est : jusqu’où irons-nous ? Tant que la mentalité patriarcale continue d’alimenter nos lois et nos pratiques sociales, chaque progrès restera fragile. » Cette lutte pour la justice et l’égalité des genres au Maroc, c’est aussi une bataille contre ces structures invisibles mais omniprésentes qui nous maintiennent dans un système inégalitaire. Une solidarité indispensable face aux défis communs La situation au Maroc n’est pas isolée, bien au contraire. La CSW69 a permis de mettre en lumière des problématiques partagées avec d’autres pays de la région MENA, mais aussi au-delà. La question du financement de l’activisme est un enjeu central. Sans moyens financiers, il est difficile de mener à bien des actions concrètes. Et ce, d’autant plus que les mouvements anti-droits et antiféministes prennent de l’ampleur. Mouna, encore une fois, souligne la nécessité de repenser la manière dont ces événements sont organisés : « Nous devons permettre à des activistes qui ne sont pas toujours invités à ces tables de discussions d’avoir une véritable place dans le processus. Ce n’est pas aux grandes institutions de décider ce qui est bon pour nous, mais bien à celles qui sont sur le terrain. »

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Le changement est lent, mais il ne s’arrête jamais

Ce voyage à New York m’a ouvert les yeux sur l’importance de la solidarité intergénérationnelle et sur la responsabilité collective qui repose sur nos épaules. À la fin de chaque journée, alors que les débats se poursuivaient dans les salles austères de l’ONU, je repensais à ces moments passés avec mes collègues militant·e·s venus de différents pays du Maghreb, rencontrés lors de ces événements parallèles où l’espoir renaissait. Ces rencontres étaient des bouffées d’air frais, des rappels que la lutte pour l’égalité, la dignité et la justice n’est pas une question de discours ou de politiques internationales bien huilées, mais une question de terrain, de quotidien, de luttes réelles. Là où d’autres voient des obstacles, nous, jeunes militants, voyons des opportunités. Le changement est lent, parfois frustrant, mais il ne s’arrête jamais. Face aux reculs et aux obstacles, la force de notre mouvement réside dans notre capacité à nous organiser, à nous entraider et à ne jamais lâcher prise. Nous, jeunes militant·e·s, ne voulons pas de simples promesses ou de signatures sur des conventions internationales. Nous voulons des actions concrètes, des réformes profondes, et un engagement réel à déconstruire les inégalités systémiques. Une chose est sûre : le combat pour l’égalité continue ! Nous ne nous arrêterons pas tant que nous n’aurons pas gagné.

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Direction artistique : Domizia Trenta
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Directrice de la publication : Aïcha Zaïmi Sakhri

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Aïcha Zaïmi Sakhri

Dossier de presse numero 26/2023

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