L’ADFM lance une campagne contre le Waqf Mouâquab, un legs patrimonial discriminant. Du 19 au 29 mars, elle dénonce, via les réseaux, l’exclusion des femmes héritières et réclame justice face à une tradition genrée et inégalitaire.
في الحبوس، حقي محبوس « Dans les Habous, mon droit est confisqué », c’est par ce slogan que l’ADFM a introduit son initiative, visant à interpeller gouvernants et opinion publique quant à l’injustice dont sont victimes de nombreuses marocaines dans le cadre du Waqf Mouâquab. L’expression désigne un système de legs familial perpétuant une exclusion genrée de biens. En gros il s’agit de terres ou de possessions relevant du Droit coutumier. Si les hommes sont les seuls à en bénéficier, c’est parce qu’ils portent et transmettent leurs patronymes. Afin que les richesses familiales ne passent pas entre des mains étrangères, les femmes, amenées à rejoindre leurs époux un jour, sont d’office évincées de la succession.
À l’origine de cette campagne, une réalité restée longtemps dans l’ombre : celle de femmes spoliées de leur héritage et parfois laissées dans la précarité. « Elles nous ont contactées, car elles ne comprenaient pas pourquoi, en tant qu’héritières légitimes, elles étaient systématiquement privées de tout bénéfice au profit des hommes de leurs familles » explique Maria Ezzaouini, membre du bureau de l’ADFM Rabat.
Le plaidoyer s’appuie sur une étude de terrain réalisée dans la région de Marrakech-Safi, intitulée « Le waqf privé et la discrimination de genre » et mettant en lumière les mécanismes d’exclusion. « Le waqf est soit méconnu, soit sacralisé, ce qui rend toute tentative de réforme difficile, tant sur le plan culturel qu’institutionnel » reprend la porte-parole. À Marrakech, les premières démarches auprès des institutions religieuses locales (Annadara) ont été accueillies par une forme d’inertie, voire de méfiance.
Face à ces résistances, l’ADFM a opté pour une stratégie de mobilisation inclusive. Des ateliers de renforcement de capacités ont été organisés à destination des concernées. « Ces moments ont été cruciaux. Non seulement ils leur ont permis de comprendre leurs droits, mais ils ont également ouvert la voie à une prise de parole publique » note-t-elle. Certaines ont aujourd’hui le courage de témoigner sur les réseaux sociaux, un acte qui marque une avancée dans la phase de sensibilisation. L’ADFM a également rencontré des parlementaires de la région pour présenter ses conclusions. « Nos recommandations ont reçu un bon écho, un soutien moral clair et surtout une prise de conscience au sujet d’un problème longtemps ignoré » se félicite Mme Ezzaouini.
La campagne vise aujourd’hui à élargir le débat, au moment où les discussions sur la réforme du Code de la famille sont relancées. «Nous avions mis en pause notre travail sur le waqf pour suivre ce débat national, mais il est clair que les deux sujets sont liés. Dans les deux cas, la source des discriminations est la même : une mentalité patriarcale qui structure encore notre droit et nos pratiques sociales».
Aux yeux de l’organisation, le travail réalisé est autant un moyen de sensibilisation qu’un levier d’action politique. « Un public informé est un public qui change. Et quand les victimes s’expriment, leur plaidoyer devient un moteur de réforme. Nous voulons que cette voix collective contribue à orienter les politiques vers plus d’équité».